AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
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AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
Au Maroc, indignation après la faible peine des violeurs d'une petite fille de 11 ans
Victor Mauriat
Fin mars, le Maroc découvrait l'histoire d'une enfant-mère de 11 ans, violée à de multiples reprise par trois hommes de son village. Ses agresseurs n'ont été condamnés qu'à des peines allant jusqu'à deux ans de prison ferme, une décision jugée «laxiste» par l'opinion publique. Un rassemblement s'est tenu mercredi à Rabat, avant le début du procès en appel ce jeudi.
«Où est l'égalité ?» Devant le tribunal de Rabat, les slogans des 150 personnes présentes sont criés avec force. Dans les yeux des nombreuses femmes brandissant pancartes et banderoles, on peut lire de la colère. «Nous sommes là pour réclamer que la justice soit rendue», affirme Fatima-Zahra, une manifestante d'une trentaine d'années.
Tout est parti d'une tribune signée le 28 mars par la sociologue féministe Soumaya Naamane Guessous, publiée sur le site d'information Le360. Grâce à son texte, le Maroc découvre alors l'histoire de S., une petite fille originaire de Tiflet, entre Rabat et Meknès. S. ne va pas à l'école, située à 6 kilomètres de son domicile : son père a refusé de l'y inscrire, de peur qu'elle ne se fasse agresser sur le chemin. Un mercredi de 2021, alors qu'elle est seule chez elle, S. est assaillie et violée une première fois par trois hommes du voisinage, tous âgés d'une trentaine d'années. Pendant des mois, les viols se répètent jusqu'à ce que la grossesse de l'enfant, qui ne s'est rendu compte de rien, devienne visible, presque au terme de sa grossesse. Très vite, la rumeur se répand et les trois hommes sont arrêtés. Le géniteur de l'enfant est identifié par des analyses ADN. L'affaire est portée devant le tribunal de Rabat. S., qui a désormais 12 ans, assiste au procès avec son bébé dans les bras.
Mais lorsque le verdict tombe, l'Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) n'en revient pas. «Ce n'est pas possible», se désole Amina Khalid, secrétaire générale de l'association qui a accompagné S. depuis le début de l'affaire judiciaire. Le principal agresseur, identifié comme le géniteur de l'enfant, écope de 2 ans de prison et 30 000 dirhams d'amende (environ 3 000 euros). Ses deux complices sont eux condamnés à 18 mois d'emprisonnement, dont 6 avec sursis, et 20 000 dirhams d'amende. «Ce n'est pas du tout ce que prévoit la loi, s'insurge Soumaya Naamane Guessous, selon le Code pénal, si le viol a été commis sur une mineure de moins de 18 ans, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans, et s'il y a eu défloration, la réclusion est de 20 à 30 ans !»
«Frustré et choqué»
Dans les rues de Rabat, cette affaire a provoqué une prise de conscience. «Il faut que la loi soit appliquée», demande Houssam, un jeune homme en costume bleu. «Pourquoi les juges n'ont-ils pas la volonté de condamner des violeurs à la hauteur de leur crime ?» Cette question, ils sont nombreux à se la poser ce mercredi devant le palais de justice de la capitale marocaine. Pour Camélia Echchihab, journaliste et militante féministe qui a notamment créé un recensement des féminicides au Maroc, la réponse se trouve dans le prononcé du jugement. «La cour a décidé de réduire la peine des trois hommes pour deux raisons , explique-t-elle, d'une part «eu égard aux conditions sociales de chacun d'entre eux et à l'absence d'antécédents judiciaires» , et d'autre part parce que «la peine est dure au regard des faits incriminés» . C'est cette deuxième justification qui suscite l'indignation parmi les militantes présentes au rassemblement. «Il y a un manque de connaissance de ce qu'est une agression sexuelle dans la société marocaine en général, explique Laila Slassi, avocate en droit des affaires et militante du droit des femmes (cofondatrice du Mouvement Masaktach), ce manque de connaissance se ressent au niveau des juges qui sous-estiment les conséquences de ces violences sur les femmes et en particulier les mineures.» Même le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, s'est dit «frustré et choqué» par le verdict. De son côté, le parquet a fait appel : le procès en deuxième instance se tiendra ce jeudi 6 avril à Rabat. «Cette fois, on s'attend à une condamnation lourde», soutient Khadija, une jeune femme de 25 ans.
Au-delà d'une peine appropriée pour les agresseurs de S., les slogans des manifestants appellent aussi le gouvernement à envisager une réforme du Code pénal sur le sujet des violences sexuelles. «Le terme agression sexuelle n'apparaît pas dans la loi marocaine , détaille Mohamed Oulkhouir, vice-président de l'association Insaf, pas plus que la notion de pédocriminalité.» Pourtant, d'après une étude menée par le Mouvement Masaktach en 2020 sur un échantillon de 1 169 procès, deux tiers des affaires de violences sexuelles commises sur le sol marocain concernent des mineurs. «Ce n'est pas forcément dû à une culture des violences contre les enfants, précise Leila Slassi, cela s'explique aussi par le silence des femmes adultes.» Pour protéger les enfants, l'association Insaf appelle à la création d'un Code de l'enfant, afin que le royaume se dote d'un arsenal juridique adapté. «C'est fondamental, explique Mohamed Oulkhouir, mais il y a une appréhension des politiques à entamer ce genre de réforme.» Lors de la dernière tentative de modification du Code de la famille, en 2000, les mouvements islamistes avaient rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues contre les changements.
Cet article est paru dans Libération (site web)
«Où est l'égalité ?» Devant le tribunal de Rabat, les slogans des 150 personnes présentes sont criés avec force. Dans les yeux des nombreuses femmes brandissant pancartes et banderoles, on peut lire de la colère. «Nous sommes là pour réclamer que la justice soit rendue», affirme Fatima-Zahra, une manifestante d'une trentaine d'années.
Tout est parti d'une tribune signée le 28 mars par la sociologue féministe Soumaya Naamane Guessous, publiée sur le site d'information Le360. Grâce à son texte, le Maroc découvre alors l'histoire de S., une petite fille originaire de Tiflet, entre Rabat et Meknès. S. ne va pas à l'école, située à 6 kilomètres de son domicile : son père a refusé de l'y inscrire, de peur qu'elle ne se fasse agresser sur le chemin. Un mercredi de 2021, alors qu'elle est seule chez elle, S. est assaillie et violée une première fois par trois hommes du voisinage, tous âgés d'une trentaine d'années. Pendant des mois, les viols se répètent jusqu'à ce que la grossesse de l'enfant, qui ne s'est rendu compte de rien, devienne visible, presque au terme de sa grossesse. Très vite, la rumeur se répand et les trois hommes sont arrêtés. Le géniteur de l'enfant est identifié par des analyses ADN. L'affaire est portée devant le tribunal de Rabat. S., qui a désormais 12 ans, assiste au procès avec son bébé dans les bras.
Mais lorsque le verdict tombe, l'Institut national de solidarité avec les femmes en détresse (Insaf) n'en revient pas. «Ce n'est pas possible», se désole Amina Khalid, secrétaire générale de l'association qui a accompagné S. depuis le début de l'affaire judiciaire. Le principal agresseur, identifié comme le géniteur de l'enfant, écope de 2 ans de prison et 30 000 dirhams d'amende (environ 3 000 euros). Ses deux complices sont eux condamnés à 18 mois d'emprisonnement, dont 6 avec sursis, et 20 000 dirhams d'amende. «Ce n'est pas du tout ce que prévoit la loi, s'insurge Soumaya Naamane Guessous, selon le Code pénal, si le viol a été commis sur une mineure de moins de 18 ans, la peine est la réclusion de 10 à 20 ans, et s'il y a eu défloration, la réclusion est de 20 à 30 ans !»
«Frustré et choqué»
Dans les rues de Rabat, cette affaire a provoqué une prise de conscience. «Il faut que la loi soit appliquée», demande Houssam, un jeune homme en costume bleu. «Pourquoi les juges n'ont-ils pas la volonté de condamner des violeurs à la hauteur de leur crime ?» Cette question, ils sont nombreux à se la poser ce mercredi devant le palais de justice de la capitale marocaine. Pour Camélia Echchihab, journaliste et militante féministe qui a notamment créé un recensement des féminicides au Maroc, la réponse se trouve dans le prononcé du jugement. «La cour a décidé de réduire la peine des trois hommes pour deux raisons , explique-t-elle, d'une part «eu égard aux conditions sociales de chacun d'entre eux et à l'absence d'antécédents judiciaires» , et d'autre part parce que «la peine est dure au regard des faits incriminés» . C'est cette deuxième justification qui suscite l'indignation parmi les militantes présentes au rassemblement. «Il y a un manque de connaissance de ce qu'est une agression sexuelle dans la société marocaine en général, explique Laila Slassi, avocate en droit des affaires et militante du droit des femmes (cofondatrice du Mouvement Masaktach), ce manque de connaissance se ressent au niveau des juges qui sous-estiment les conséquences de ces violences sur les femmes et en particulier les mineures.» Même le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, s'est dit «frustré et choqué» par le verdict. De son côté, le parquet a fait appel : le procès en deuxième instance se tiendra ce jeudi 6 avril à Rabat. «Cette fois, on s'attend à une condamnation lourde», soutient Khadija, une jeune femme de 25 ans.
Au-delà d'une peine appropriée pour les agresseurs de S., les slogans des manifestants appellent aussi le gouvernement à envisager une réforme du Code pénal sur le sujet des violences sexuelles. «Le terme agression sexuelle n'apparaît pas dans la loi marocaine , détaille Mohamed Oulkhouir, vice-président de l'association Insaf, pas plus que la notion de pédocriminalité.» Pourtant, d'après une étude menée par le Mouvement Masaktach en 2020 sur un échantillon de 1 169 procès, deux tiers des affaires de violences sexuelles commises sur le sol marocain concernent des mineurs. «Ce n'est pas forcément dû à une culture des violences contre les enfants, précise Leila Slassi, cela s'explique aussi par le silence des femmes adultes.» Pour protéger les enfants, l'association Insaf appelle à la création d'un Code de l'enfant, afin que le royaume se dote d'un arsenal juridique adapté. «C'est fondamental, explique Mohamed Oulkhouir, mais il y a une appréhension des politiques à entamer ce genre de réforme.» Lors de la dernière tentative de modification du Code de la famille, en 2000, les mouvements islamistes avaient rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues contre les changements.
Cet article est paru dans Libération (site web)
Deborah- Admin
Re: AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
Quelle horreur !!! Elle est si jeune...
Ces hommes, ces chiens devrais je dire, me dégoutent. Leur frustration est à gerber
Ces hommes, ces chiens devrais je dire, me dégoutent. Leur frustration est à gerber

kabylia- Admin
Re: AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
c'est révoltant, ce que ces 3 hommes ont fait subir à cette petite fille est de la véritable torture. Et que dire des juges, des hommes bien sûr, qui les condamnent à juste 18 mois ou 2 ans de prison ? Pour eux, c'est donc pratiquement normal de se conduire comme des chiens ?
J'espère que cette petite trouvera de l'aide pour se reconstruire.
N'oublions pas que des enfants nés dans de telles circonstances sont souvent abandonnés, devenant victimes après leur mère, de ces brutes machistes.
J'espère que cette petite trouvera de l'aide pour se reconstruire.
N'oublions pas que des enfants nés dans de telles circonstances sont souvent abandonnés, devenant victimes après leur mère, de ces brutes machistes.
Deborah- Admin
Re: AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
Viol d'une fillette au Maroc: peines alourdies en appel pour les trois accusés
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 14/04/2023 à 04:41
Viol d'une fillette au Maroc: peines alourdies en appel pour les trois accusés
La cour d'appel de Rabat a alourdi dans la nuit du vendredi 14 avril les peines de trois hommes accusés de viols à répétition sur une fillette, après un verdict en première instance qui avait indigné l'opinion par sa clémence. L'un des accusés a été condamné à 20 ans de prison ferme et les deux autres à 10 ans chacun.
Sanae, une mineure de 11 ans au moment des faits et qui en a 12 aujourd'hui, a «subi des viols à répétition sous la menace», dans un village près de Rabat, ce qui a entraîné une grossesse, selon des ONG de défense des droits des femmes. Sanae est devenue la mère d'un enfant âgé d'un an et un mois aujourd'hui. «Nous sommes satisfaits du verdict qui a rendu justice à la victime, ceci dit nous n'avons pas compris pourquoi deux accusés ont écopé de 10 ans chacun seulement», a déclaré à l'AFP Abdelfattah Zahrach à la sortie du tribunal qui a précisé qu'il envisage le pourvoi en cassation «après concertation avec la famille».
Le 20 mars, l'un des hommes avait été condamné à deux ans de prison ferme, les deux autres à 18 mois ferme, des peines dont la clémence avait choqué l'opinion. Comme en première instance, les trois hommes étaient poursuivis en appel pour [size=18]«détournement de mineure» et «attentat à la pudeur sur mineure avec violence». Au début de l'audience, la partie civile avait demandé que le «viol» soit ajouté aux chefs d'accusations, une requête rejetée par le juge.
[/size]
Les prévenus, âgés de 25, 32 et 37 ans, encouraient jusqu'à 30 ans de prison ferme, selon le Code pénal marocain. Leurs peines ont été assorties de dommages d'un total de 140.000 dirhams (plus de 12.500 euros) tandis qu'en première instance, ils avaient été condamnés à payer un total de 50.000 dirhams (soit 4.500 euros). Le verdict est tombé après une seule audience marathon, très suivie, au cours de laquelle le parquet a requis la peine maximale de 30 ans contre le trio. «Si c'était possible j'aurais requis la peine capitale», a déclaré le procureur du roi. Le Maroc a de facto aboli la peine de mort, n'ayant procédé à aucune exécution depuis 1993.
L'affaire avait profondément ému l'opinion publique qui a dénoncé un premier jugement «laxiste» et «choquant». Une pétition en ce sens a recueilli plus de 35.000 signatures. «Sanae recommence à sourire peu à peu mais elle reste choquée», a déclaré à l'AFP Amina Khalid, secrétaire générale de l'Insaf (Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse) qui accompagne la fillette depuis le début de l'affaire. L'association a notamment aidé la petite fille à intégrer une école de la deuxième chance alors qu'elle n'avait jamais été scolarisée. Ce drame a relancé le débat sur la protection des enfants contre les violences sexuelles dans le royaume et la nécessité de réformer les lois.
Par Le Figaro avec AFP
Publié le 14/04/2023 à 04:41
Viol d'une fillette au Maroc: peines alourdies en appel pour les trois accusés
La cour d'appel de Rabat a alourdi dans la nuit du vendredi 14 avril les peines de trois hommes accusés de viols à répétition sur une fillette, après un verdict en première instance qui avait indigné l'opinion par sa clémence. L'un des accusés a été condamné à 20 ans de prison ferme et les deux autres à 10 ans chacun.
Sanae, une mineure de 11 ans au moment des faits et qui en a 12 aujourd'hui, a «subi des viols à répétition sous la menace», dans un village près de Rabat, ce qui a entraîné une grossesse, selon des ONG de défense des droits des femmes. Sanae est devenue la mère d'un enfant âgé d'un an et un mois aujourd'hui. «Nous sommes satisfaits du verdict qui a rendu justice à la victime, ceci dit nous n'avons pas compris pourquoi deux accusés ont écopé de 10 ans chacun seulement», a déclaré à l'AFP Abdelfattah Zahrach à la sortie du tribunal qui a précisé qu'il envisage le pourvoi en cassation «après concertation avec la famille».
Le 20 mars, l'un des hommes avait été condamné à deux ans de prison ferme, les deux autres à 18 mois ferme, des peines dont la clémence avait choqué l'opinion. Comme en première instance, les trois hommes étaient poursuivis en appel pour [size=18]«détournement de mineure» et «attentat à la pudeur sur mineure avec violence». Au début de l'audience, la partie civile avait demandé que le «viol» soit ajouté aux chefs d'accusations, une requête rejetée par le juge.
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«Si c'était possible j'aurais requis la peine capitale»
Les prévenus, âgés de 25, 32 et 37 ans, encouraient jusqu'à 30 ans de prison ferme, selon le Code pénal marocain. Leurs peines ont été assorties de dommages d'un total de 140.000 dirhams (plus de 12.500 euros) tandis qu'en première instance, ils avaient été condamnés à payer un total de 50.000 dirhams (soit 4.500 euros). Le verdict est tombé après une seule audience marathon, très suivie, au cours de laquelle le parquet a requis la peine maximale de 30 ans contre le trio. «Si c'était possible j'aurais requis la peine capitale», a déclaré le procureur du roi. Le Maroc a de facto aboli la peine de mort, n'ayant procédé à aucune exécution depuis 1993.
L'affaire avait profondément ému l'opinion publique qui a dénoncé un premier jugement «laxiste» et «choquant». Une pétition en ce sens a recueilli plus de 35.000 signatures. «Sanae recommence à sourire peu à peu mais elle reste choquée», a déclaré à l'AFP Amina Khalid, secrétaire générale de l'Insaf (Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse) qui accompagne la fillette depuis le début de l'affaire. L'association a notamment aidé la petite fille à intégrer une école de la deuxième chance alors qu'elle n'avait jamais été scolarisée. Ce drame a relancé le débat sur la protection des enfants contre les violences sexuelles dans le royaume et la nécessité de réformer les lois.
Deborah- Admin
Re: AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
et encore un article intéressant sur le même sujet terrible, l'impunité des violeurs au Maroc:
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/17/au-maroc-la-clemence-de-la-justice-dans-les-affaires-de-viols_6169910_3212.html
Au Maroc, la clémence de la justice dans les affaires de viols
Selon un collectif qui dénonce les violences contre les femmes, 80 % des prévenus condamnés pour viol le sont à des peines inférieures à ce que prévoit la loi.
Par Aurélie Collas(Casablanca, correspondance)
Les avocats de la victime se sont dits « satisfaits » du verdict et la société marocaine s’est sentie entendue. Vendredi 14 avril, la cour d’appel de Rabat a fortement alourdi les peines des trois hommes accusés d’avoir violé à répétition la jeune Sanaa, 11 ans, dans un village près de Tiflet, et aujourd’hui mère d’un enfant né de ces violences. L’un des accusés a été condamné à vingt ans de prison ferme, les deux autres à dix ans. En première instance, le 20 mars, ils avaient écopé de deux ans de prison.
Au Maroc, ce verdict avait soulevé un tollé, entraînant dans son sillage une intense vague d’indignation. Citoyens, militants, intellectuels s’étaient tour à tour mobilisés contre une sentence jugée outrageusement clémente, contre le laxisme dont tendent à bénéficier les agresseurs dans les affaires de violences sexuelles contre les mineurs et les femmes. Et pour exiger un changement des lois de ce pays.
Car l’histoire tragique de Sanaa, loin d’être isolée, fait écho à bien d’autres affaires.
Certaines ont secoué la société marocaine, comme celle de Khadija Souidi, une adolescente de 17 ans qui s’était suicidée en 2016 après la remise en liberté de ses violeurs. Ou encore celle d’Amina Filali, 15 ans, qui avait mis fin à ses jours en 2012 après avoir été forcée d’épouser son violeur. Mais beaucoup de cas similaires passent sous les radars.
Or, « si on regarde les décisions rendues par les tribunaux, on se rend compte qu’il y a chaque jour des dizaines de Sanaa à qui justice n’est pas rendue et autant d’agresseurs qui échappent à la loi », souligne l’avocate Laila Slassi, cofondatrice de « Masaktach » (« je ne me tais pas »), un collectif qui dénonce les violences contre les femmes et la « légitimation de la culture du viol » au Maroc.
En 2020, le collectif avait réalisé une étude sur le traitement judiciaire des affaires de violences sexuelles. Il en ressortait, sur la base de 1 169 procès, que 80 % des prévenus condamnés pour viol avaient écopé de peines inférieures à celles prévues par la loi, soit la réclusion de cinq à dix ans, de dix à vingt ans lorsque la victime est mineure (jusqu’à trente ans en cas de « défloration »). « La durée moyenne des peines pour viol, y compris dans les affaires de pédocriminalité, ne dépasse pas trois ans et un mois, poursuit Laila Slassi. La légèreté des peines est systématique. »
Recours aux circonstances atténuantes
L’affaire de Sanaa cristallise « toutes les aberrations du système judiciaire en matière de violence sexuelle », analyse Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). A commencer par les chefs d’accusation retenus : le « détournement de mineur » et « l’attentat à la pudeur », plutôt que le « viol ».
En outre, les juges, en première instance, ont accordé des circonstances atténuantes aux accusés, en les justifiant par leurs « conditions sociales », l’« absence d’antécédents judiciaires » et le fait que « la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés ». Une « erreur judiciaire », dénonce Mme Bouayach, alors que « les faits décrivent des viols collectifs organisés et répétés avec usage de la violence sur une enfant de 11 ans. Il s’agit d’un viol aggravé ».
Ce recours aux circonstances atténuantes, laissé à l’entière appréciation des juges, « est utilisé de façon assez systématique dans les affaires de violences sexuelles pour promouvoir l’impunité des violeurs », rapporte Stephanie Willman Bordat, avocate et cofondatrice de Mobilising for Rights Associates (MRA), une ONG basée à Rabat. « Cela donne toute latitude aux juges pour laisser libre cours à leurs stéréotypes sexistes et trouver des excuses aux coupables », précise-t-elle.
« Il faudrait des garde-fous. Il ne devrait pas être possible d’accorder des circonstances atténuantes dans les affaires de violences sexuelles sur les personnes mineures comme majeures. Ce serait une manière de graver dans le marbre que les crimes sexuels sont les plus graves », défend Youssef Chehbi, avocat à Casablanca, qui plaide également pour des chambres criminelles spécialisées, « avec des magistrats qui savent ce qu’est une agression sexuelle, sensibilisés à la gravité des séquelles que cela engendre ».
Le code pénal présente des « lacunes »
A ces difficultés à obtenir justice s’ajoute le risque de basculer du statut de victime à celui de coupable. Car dans les affaires de viols, l’article 490 du code pénal marocain qui criminalise les relations sexuelles hors mariage est une épée de Damoclès qui pèse sur les victimes. « Bien souvent, cet article sert aux hommes d’outil de chantage pour continuer à perpétrer leur crime en toute impunité, explique Stéphanie Willman Bordat.
Et si la victime décide malgré tout de porter plainte pour viol, mais qu’elle n’arrive pas à le prouver – car il faut pour cela attester de blessures physiques –, elle prend tous les risques d’être poursuivie en retour pour relations sexuelles illégales. »
Une des raisons qui peut expliquer pourquoi le nombre de victimes qui portent plainte est si faible au Maroc : seulement 3 %, selon un rapport du Haut-Commissariat au plan de 2019.
Le code pénal présente en outre des « lacunes » quant au cadre défini pour mener les enquêtes, selon Mme Willman Bordat : « Bien souvent, les enquêteurs cherchent avant tout à savoir si les personnes se connaissaient avant. Si c’est le cas, ils vont considérer que c’est une preuve de consentement, sans pousser plus loin les investigations, sans regarder l’acte de violence en soi, le comportement de l’agresseur ou les circonstances. »
En 2018, le royaume adoptait une loi contre les violences faites aux femmes. Si le texte a été salué comme une avancée – il incrimine notamment le harcèlement sexuel et prévoit des mécanismes de prise en charge des victimes –, il a toutefois été jugé largement incomplet par les organisations féministes.
Il est urgent de légiférer
« Le viol conjugal n’est toujours pas criminalisé ; il est considéré comme un devoir conjugal des épouses. Le mariage des mineures, qui promeut l’exploitation sexuelle, est toujours possible en obtenant l’autorisation d’un juge. La culture du viol, qui est universelle, continue à imprégner tout le système judiciaire au Maroc », déplore la militante Ibtissame Betty Lachgar, coordinatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).
Enfin, cette loi n’a pas fait évoluer la définition du viol, inscrit dans le code pénal marocain au chapitre des « crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique ». « C’est comme si ce qui est réellement dénoncé n’est pas tant le fait qu’il y ait eu une violence et une atteinte à l’autre, mais qu’il y ait eu une relation sexuelle en dehors du cadre traditionnel, à savoir le mariage. Ce qui peut expliquer en partie les peines très allégées que nous voyons », souligne Amina Bouayach.
Alors qu’une réforme du code pénal – depuis longtemps annoncée mais successivement bloquée, retirée, reportée – est « en phase de finalisation », selon le ministère de la justice, la présidente du CNDH appelle à requalifier, selon les normes internationales, le viol en « violence sexuelle », « c’est-à-dire un crime grave portant atteinte à l’intégrité physique de la victime ».
A ses yeux, il est urgent de légiférer. Parce que les tabous autour des violences sexuelles – souvent étouffées par peur du scandale, de la hchouma (« la honte ») – tendent, selon elle, à s’effacer. Et parce que l’indignation suscitée au Maroc par l’histoire de Sanaa est révélatrice d’« un rejet de la normalisation des violences sexuelles et de stéréotypes archaïques aujourd’hui dépassés ».
Aurélie Collas(Casablanca, correspondance)
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/04/17/au-maroc-la-clemence-de-la-justice-dans-les-affaires-de-viols_6169910_3212.html
Au Maroc, la clémence de la justice dans les affaires de viols
Selon un collectif qui dénonce les violences contre les femmes, 80 % des prévenus condamnés pour viol le sont à des peines inférieures à ce que prévoit la loi.
Par Aurélie Collas(Casablanca, correspondance)
Les avocats de la victime se sont dits « satisfaits » du verdict et la société marocaine s’est sentie entendue. Vendredi 14 avril, la cour d’appel de Rabat a fortement alourdi les peines des trois hommes accusés d’avoir violé à répétition la jeune Sanaa, 11 ans, dans un village près de Tiflet, et aujourd’hui mère d’un enfant né de ces violences. L’un des accusés a été condamné à vingt ans de prison ferme, les deux autres à dix ans. En première instance, le 20 mars, ils avaient écopé de deux ans de prison.
Au Maroc, ce verdict avait soulevé un tollé, entraînant dans son sillage une intense vague d’indignation. Citoyens, militants, intellectuels s’étaient tour à tour mobilisés contre une sentence jugée outrageusement clémente, contre le laxisme dont tendent à bénéficier les agresseurs dans les affaires de violences sexuelles contre les mineurs et les femmes. Et pour exiger un changement des lois de ce pays.
Car l’histoire tragique de Sanaa, loin d’être isolée, fait écho à bien d’autres affaires.
Certaines ont secoué la société marocaine, comme celle de Khadija Souidi, une adolescente de 17 ans qui s’était suicidée en 2016 après la remise en liberté de ses violeurs. Ou encore celle d’Amina Filali, 15 ans, qui avait mis fin à ses jours en 2012 après avoir été forcée d’épouser son violeur. Mais beaucoup de cas similaires passent sous les radars.
Or, « si on regarde les décisions rendues par les tribunaux, on se rend compte qu’il y a chaque jour des dizaines de Sanaa à qui justice n’est pas rendue et autant d’agresseurs qui échappent à la loi », souligne l’avocate Laila Slassi, cofondatrice de « Masaktach » (« je ne me tais pas »), un collectif qui dénonce les violences contre les femmes et la « légitimation de la culture du viol » au Maroc.
En 2020, le collectif avait réalisé une étude sur le traitement judiciaire des affaires de violences sexuelles. Il en ressortait, sur la base de 1 169 procès, que 80 % des prévenus condamnés pour viol avaient écopé de peines inférieures à celles prévues par la loi, soit la réclusion de cinq à dix ans, de dix à vingt ans lorsque la victime est mineure (jusqu’à trente ans en cas de « défloration »). « La durée moyenne des peines pour viol, y compris dans les affaires de pédocriminalité, ne dépasse pas trois ans et un mois, poursuit Laila Slassi. La légèreté des peines est systématique. »
Recours aux circonstances atténuantes
L’affaire de Sanaa cristallise « toutes les aberrations du système judiciaire en matière de violence sexuelle », analyse Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). A commencer par les chefs d’accusation retenus : le « détournement de mineur » et « l’attentat à la pudeur », plutôt que le « viol ».
En outre, les juges, en première instance, ont accordé des circonstances atténuantes aux accusés, en les justifiant par leurs « conditions sociales », l’« absence d’antécédents judiciaires » et le fait que « la peine prévue légalement est sévère au regard des faits incriminés ». Une « erreur judiciaire », dénonce Mme Bouayach, alors que « les faits décrivent des viols collectifs organisés et répétés avec usage de la violence sur une enfant de 11 ans. Il s’agit d’un viol aggravé ».
Ce recours aux circonstances atténuantes, laissé à l’entière appréciation des juges, « est utilisé de façon assez systématique dans les affaires de violences sexuelles pour promouvoir l’impunité des violeurs », rapporte Stephanie Willman Bordat, avocate et cofondatrice de Mobilising for Rights Associates (MRA), une ONG basée à Rabat. « Cela donne toute latitude aux juges pour laisser libre cours à leurs stéréotypes sexistes et trouver des excuses aux coupables », précise-t-elle.
« Il faudrait des garde-fous. Il ne devrait pas être possible d’accorder des circonstances atténuantes dans les affaires de violences sexuelles sur les personnes mineures comme majeures. Ce serait une manière de graver dans le marbre que les crimes sexuels sont les plus graves », défend Youssef Chehbi, avocat à Casablanca, qui plaide également pour des chambres criminelles spécialisées, « avec des magistrats qui savent ce qu’est une agression sexuelle, sensibilisés à la gravité des séquelles que cela engendre ».
Le code pénal présente des « lacunes »
A ces difficultés à obtenir justice s’ajoute le risque de basculer du statut de victime à celui de coupable. Car dans les affaires de viols, l’article 490 du code pénal marocain qui criminalise les relations sexuelles hors mariage est une épée de Damoclès qui pèse sur les victimes. « Bien souvent, cet article sert aux hommes d’outil de chantage pour continuer à perpétrer leur crime en toute impunité, explique Stéphanie Willman Bordat.
Et si la victime décide malgré tout de porter plainte pour viol, mais qu’elle n’arrive pas à le prouver – car il faut pour cela attester de blessures physiques –, elle prend tous les risques d’être poursuivie en retour pour relations sexuelles illégales. »
Une des raisons qui peut expliquer pourquoi le nombre de victimes qui portent plainte est si faible au Maroc : seulement 3 %, selon un rapport du Haut-Commissariat au plan de 2019.
Le code pénal présente en outre des « lacunes » quant au cadre défini pour mener les enquêtes, selon Mme Willman Bordat : « Bien souvent, les enquêteurs cherchent avant tout à savoir si les personnes se connaissaient avant. Si c’est le cas, ils vont considérer que c’est une preuve de consentement, sans pousser plus loin les investigations, sans regarder l’acte de violence en soi, le comportement de l’agresseur ou les circonstances. »
En 2018, le royaume adoptait une loi contre les violences faites aux femmes. Si le texte a été salué comme une avancée – il incrimine notamment le harcèlement sexuel et prévoit des mécanismes de prise en charge des victimes –, il a toutefois été jugé largement incomplet par les organisations féministes.
Il est urgent de légiférer
« Le viol conjugal n’est toujours pas criminalisé ; il est considéré comme un devoir conjugal des épouses. Le mariage des mineures, qui promeut l’exploitation sexuelle, est toujours possible en obtenant l’autorisation d’un juge. La culture du viol, qui est universelle, continue à imprégner tout le système judiciaire au Maroc », déplore la militante Ibtissame Betty Lachgar, coordinatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI).
Enfin, cette loi n’a pas fait évoluer la définition du viol, inscrit dans le code pénal marocain au chapitre des « crimes et délits contre l’ordre des familles et la moralité publique ». « C’est comme si ce qui est réellement dénoncé n’est pas tant le fait qu’il y ait eu une violence et une atteinte à l’autre, mais qu’il y ait eu une relation sexuelle en dehors du cadre traditionnel, à savoir le mariage. Ce qui peut expliquer en partie les peines très allégées que nous voyons », souligne Amina Bouayach.
Alors qu’une réforme du code pénal – depuis longtemps annoncée mais successivement bloquée, retirée, reportée – est « en phase de finalisation », selon le ministère de la justice, la présidente du CNDH appelle à requalifier, selon les normes internationales, le viol en « violence sexuelle », « c’est-à-dire un crime grave portant atteinte à l’intégrité physique de la victime ».
A ses yeux, il est urgent de légiférer. Parce que les tabous autour des violences sexuelles – souvent étouffées par peur du scandale, de la hchouma (« la honte ») – tendent, selon elle, à s’effacer. Et parce que l’indignation suscitée au Maroc par l’histoire de Sanaa est révélatrice d’« un rejet de la normalisation des violences sexuelles et de stéréotypes archaïques aujourd’hui dépassés ».
Aurélie Collas(Casablanca, correspondance)
Deborah- Admin
Re: AU MAroc, des violeurs d'enfants sont condamnés à des peines minimes
Ah quand même le verdict a été revu à la hausse, là c'est plus juste même si moi j'aurais condamné à vie 
Et cette petite qui est mère aujourd'hui à 12 ans, pauvre petite ils lui ont gâché sa vie et celle du bébé

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kabylia- Admin

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